On entend de plus en plus souvent parler des perturbateurs endocriniens (PE). Mais savez-vous ce qu’est vraiment un perturbateur endocrinien ? Quels effets ont-ils sur notre santé et les écosystèmes ? Où les trouve-t-on ? Et comment peut-on faire pour s’en protéger ?
Les premières observations de cas avérés dû aux PE datent des années 1950. L’utilisation d’un pesticide, le DDT semble être nuisible pour les poissons et les oiseaux. Suite à une contamination au DDT on a pu observer la disparition des aigles chauves, devenus stériles, en Californie. Dans cette même période, d’autres incidents environnementaux, tels que la disparition des phoques dans la mer baltique ou les alligators avec des micros pénis ont pu être observé. En 1991, un groupe de scientifiques se réuni aux Etats-Unis afin d’étudier les effets des produits chimiques sur les hormones. Le terme de « perturbateur endocrinien » est défini.
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), un PE a été défini comme « Une substance (ou un mélange) exogène qui altère les fonctions du système endocrinien, et induit donc des effets sur la santé d’un organisme intact, ses descendants ou sous-populations ».
Le système endocrinien est composé d’un ensemble de glandes (ex : thyroïde, surrénale, pancréatique) qui fabriquent et libèrent des hormones (ex : mélatonine, progestérone, testostérone, insuline) qui vont contrôler divers processus de régulation de l’organisme tels que la reproduction, la croissance, réaction au stress, ou le métabolisme.
Tous les vertébrés ont les mêmes glandes endocrines que l’homme. On pourrait donc en déduire que ce qui n’est pas bon pour le système endocrinien d’un poisson, d’une grenouille ou d'un oiseau ne va probablement pas être bon pour le système endocrinien de l’homme.
On a, à ce jour, connaissance de plus de mille différents PE potentiels (bisphénol, phtalates, pesticides, composés perfluorés, néonicotinoïdes, retardateurs de flammes….) La plupart de ces molécules proviennent de l’activité humaine, mais on peut aussi les retrouver naturellement dans l’environnement (ex : les phytoeostrogènes que l’on trouve dans certaines plantes).
Les PE sont omniprésents dans notre quotidien. Nous sommes tous contaminés. On peut en trouver entre autres, dans l’eau, l’air les pesticides, les emballages plastiques, les poussières, les produits de nettoyage, l’alimentation, les médicaments et les cosmétiques…. Il y en a partout !
Les molécules PE peuvent agir de deux façons différentes. Soit, elles imitent les hormones naturelles, activent un récepteur qui va déclencher des réponses ou situations exagérées ou non souhaitées, ou soit, elles se placent sur les récepteurs, les bloquent empêchant les hormones naturelles de venir s’y fixer et de faire leur travail.
On a pu observer une augmentation des incidences des maladies en lien avec le système hormonal au cours des dernières décennies (cancers de la prostate, du sein, utérus, ovaire, obésité, diabète de type 2, détérioration de la qualité spermatique, augmentation du nombre de bébés de petit poids, puberté précoce, augmentation de maladies associées à un dysfonctionnement thyroïdien etc…).
Dans certains cas, un lien de causalité a pu être établi avec les PE. La grande majorité des scientifiques s’accordent pour dire que ces derniers sont capables d’interférer avec le système hormonal même à des doses infimes et de nombreuses études établissent des possibles associations entre l’exposition de PE et ces maladies. Il est cependant encore difficile d’apporter des preuves concernant leurs effets sur les humains.
Il existe néanmoins de multiples exemples de perturbations avérées dans la faune sauvage et de données expérimentales chez l’animal qui apportent un appui supplémentaire à l’hypothèse d’une corrélation entre l’exposition aux PE et ces maladies chez l’homme.
La meilleure solution pour enrayer la hausse de ces maladies serait une réglementation plus stricte sur les produits contenants de PE. Malheureusement, comme les enjeux économiques sont énormes et le pouvoir des différents lobbys extrêmement puissants, les lois peinent à se mettre en place et l’Union Européenne tarde à légiférer sur les mesures législatives permettant d’encadrer les PE.
D’un point de vue toxicologique, des normes ont été mise en place pour beaucoup de substances. Mais les endocrinologues s’accordent pour dire que les PE peuvent perturber ou interférer avec notre système hormonal même à des doses infinitésimales. La règlementation sur les PE devrait alors être définie sur leur mode d’action et non pas sur la base de leur toxicité. Les lois actuelles ne protègent donc pas assez les consommateurs. Le principe de précaution devrait dans tous les cas être appliqué.
Alors, que pouvons nous faire de notre côté ?
Même si l’impact est limité, nous pouvons tout de même essayer de diminuer notre exposition aux PE. Il est estimé que notre exposition aux PE provient à 80% de notre alimentation (p.ex. pesticides, emballages plastiques, sacs à pop-corns pour micro-onde, revêtements antiadhésifs des poêles en téflon etc…)
Les cosmétiques ne sont pas épargnés. Une étude réalisée par l’institut Noteo en partenariat avec le Réseau environnement santé (RES) démontre que 40% des produits d’hygiène-beauté contiennent au moins 1 perturbateur endocrinien.
Afin de les éviter, il est essentiel d’apprendre à lire les étiquettes et à les repérer. Voici une liste non-exhaustive des PE les plus courants que l’on peut retrouver dans les produits cosmétiques :
Les fameux parabènes :
Bien que les parabènes aient mauvaise presse, ils ne sont pas tous dangereux. Certains sont sans dangers pour la santé comme le méthylparaben et l’éthylparaben. Ils compteraient même parmi les conservateurs les plus efficaces.
Par contre, il faut éviter le butylparaben, propylparaben, potassium butylparaben et potassium propylparaben.
Le BHT et le BHA
Utilisés comme conservateurs dans toutes sortes de produits d’hygienne/beauté, ils sont suspectés d’être cancérigènes (surtout le BHA)
Les phtalates
Ils peuvent aussi se cacher sous le nom INCI « parfum », « fragrance » ou « aroma » dans divers produits cosmétiques. Ils servent à dénaturer l’alcool présent dans les parfums (la loi oblige les fabricants à dénaturer l’alcool pour le rendre impropre à la consommation ! Les phtalates sont une solution peut couteuse). Les recettes de parfums sont considérées comme secrets commerciaux, on ne pourra donc pas savoir de quoi ils sont composés.
On en retrouvera également dans les vernis à ongles. Dans ce cas, ils serviront d’agent fixateur qui permettra d’éviter que le vernis s’écaille.
Les PEG ou PPG
Outre leur problématique environnementale, ils sont également connus pour perturber le système endocrinien. Ils sont souvent suivis d’un chiffre (poids moléculaire) ou 1-4 dioxane
Les sels d'aluminium
On les retrouve principalement dans les déodorants. Ils resserrent les pores de la peau et bloquent la transpiration. Bien qu’il y ait beaucoup de controverse sur le sujet, ils sont suspectés d’augmenter les risques de cancers du sein ou d’autres maladies dégénératives telles qu’Alzheimer ou Parkinson. Des études sur les souris ont démontré que des cellules mammaires exposées in vitro à des sels d'aluminium développent la capacité de former des tumeurs et des métastases chez la souris. Des effets nocifs ont également été démontrés sur les cellules mammaires humaines.
On les retrouve les sels d’aluminium sous les noms : aluminium stearates, aluminium hydroxyde, aluminium zirconium, pentachlorohydrate.
Les filtres UV
Il existe deux types de filtres UV : les filtres de synthèse chimiques (interdits dans l’industrie bio) et les filtres minéraux.
Certains écrans UV chimiques peuvent agir comme PE, entres autres les suivants:
Oxybenzone (Benzophenone-3)
Homosalate
3-benzylidene camphor
4-Methylbenzylidene Camphor
4,4-dihydroxybenzophenone
Benzophenone-1
Benzophenone-2
Octyl Methoxycinnamate aussi appelé Ethylhexyl methoxycinnamate
(OMC) ou Octinoxate
Octocrylene
Les silicones
Bien qu’ils ne soient pas recommandés pour des raisons environnementales et parce qu’ils sont occlusifs et fragilisent la peau, la plupart des silicones ne sont pas nocifs pour la santé à l’exception du cyclopentasiloxane et cyclotetrasiloxane qui ont montré des propriétés de perturbation endocrinienne.
Les PE ne sont malheureusement pas les seules problématiques que l’on puisse rencontrer dans la composition des produits cosmétiques. Il existe une multitude de substances peu recommandables utilisées en cosmétique, potentiellement toxique ou non écologique. L’article «Pourquoi et comment décrypter les étiquettes de vos cosmétiques» pourra vous fournir quelques astuces et vous éviter de vous faire avoir par les pièges du marketing. Vous pouvez aussi consulter la liste des ingrédients qu’il faut absolument éviter dans les cosmétiques. Il est malheureusement impossible d’énumérer toutes les substances peu recommandables mais cette liste regroupe les plus courantes.
Références :
- Les Perturbateurs Endocriniens, Ces produits qui en veulent à nos hormones, Dr. Olivier Kah
- Quand notre environnement s’en prend à nos hormones, Conférence, Dr. Olivier Kah
- Désintoxiquez-vous, ce guide peut vous sauvez la vie, Dr Véronique Vasseur et Clémence Thévenoz
- UFC, Que Choisir, Les fiches des molécules toxiques à éviter
- La Vérité sur les cosmétiques, Rita Sitiens
- Les cinq mythes autour des produits solaires, La Vérité sur les cosmétiques, Rita Sitiens
- Perturbateurs endocriniens: considérations générales, et exemples du Bisphénol A et des phtalates, Prof. Jacques Diezi
- Cosmétiques, Comment s’y retrouver, Ariane Warlin
- A Bon Entendeur - abe.ch - Emission sur les sels d’aluminium – Interview du Prof Mandriota